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Mathieu Feigean : « Les chiffres prouvent la qualité de notre effectif »
Équipe première
08 janvier 2020

Mathieu Feigean : « Les chiffres prouvent la qualité de notre effectif »

Mathieu, pourrais-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Mathieu Feigean, 27 ans, j’ai grandi à coté de Nantes avant d’arriver en suisse allemande pour mes études. J’ai récemment fini ma formation dans un institut des sciences du sport à l’université de Berne et j’ai migré à Genève pour ce job d’analyste au Servette FC depuis le début de la saison.

Quelle formation as-tu suivie pour arriver à ce poste ?

J’ai commencé des études avec l’objectif d’être professeur de sport. Suite à un échec au concours d’entrée de l’ENS, j’ai souhaité changer d’air et suis parti en Angleterre pour me former à la recherche. Là-bas, je me suis intéressé à l’intelligence collective dans la performance sportive et plus spécifiquement au processus de coordination interpersonnelle. J’ai notamment découvert que plus les membres d’une équipe partagent de connaissances sur la tâche et sur leurs coéquipiers et meilleure est la performance collective. Parallèlement, nous savons que plus le nombre de joueurs dans une équipe est grand et plus les connaissances sur les coéquipiers sont capitales. Du point de vue du terrain, cela montre que l’élaboration d’un collectif est complexe et bien loin de la simple juxtaposition de performance individuelle.

Comment as-tu atterri à Berne ?

Après le Master, je voulais faire un doctorat et j’ai obtenu un financement à l’Université de Berne. J’avais carte blanche sur le choix de la thématique et j’ai décidé de me pencher sur « l’émergence » de comportements collectifs, en choisissant le football comme objet d’étude privilégié. L’émergence apparaît lorsque les individus n’ont plus d’impact sur l’activité groupale qui est en train de se réaliser. Par exemple, dans une salle de spectacle, lorsque tout le monde applaudit, il y a une synchronisation collective qui n’appartient à aucun des individus. Cette synchronie est une propriété du groupe qu’aucun des individus ne peut influencer. Nous retrouvons ce phénomène partout, que ce soit avec les bancs de poisson, les oiseaux, chez les fourmis mais aussi dans le football. J’ai essayé de comprendre comment cette émergence peut se produire dans notre sport. Que se passe-t-il lors des moments de grâce collective ? Que se passe-t-il lorsque tout se passe mal ? Quels sont les critères qui permettent d’arriver à ces mouvements d’émergence ?

En quoi consiste ton travail au Servette FC ?

Ma tâche c’est d’aider le coach à augmenter la performance de nos joueurs et à battre l’adversaire. Pour cela, j’ai deux missions. Premièrement, je dois analyser l’adversaire deux jours avant les matches. Quels sont ses comportements récurrents ? J’utilise deux choses pour ce rapport. D’une part la vidéo et de l’autre des données afin de ne pas être biaisé par mon ?il. Ces données vont confirmer ou infirmer mon premier sentiment. La vidéo enrichit les datas et les datas enrichissent la vidéo. En gros, j’essaie de prédire ce qui va se passer le week-end.

Ma deuxième mission est d’analyser notre équipe après nos matches du week-end. C’est à ce moment-là que je dois être le plus en phase avec notre coach. S’il parle de verticalité, de pressing, je dois aller chercher dans les vidéos les moments où on l’a bien fait, les moments où on ne l’a pas fait etc. A terme, j’aimerais que nous puissions nous appuyer sur des données plus objectives. Quand on parle de pressing, deux personnes pourront avoir des avis totalement différents sur le même passage à la vidéo. Si nous avons, par exemple, le positionnement moyen du joueur vis-à-vis de son adversaire direct, chiffré en mètre, c’est une donnée objective qui ne peut pas être contestée. Il n’y a pas de subjectivité de l’?il.

Tu parles d’objectivité des données. Quelle est ta position sur les expected goals ?

Leur intérêt est de renseigner de la qualité d’un tir. On est passé de la quantité de tirs à la qualité à travers plusieurs critères. Ils sont souvent proches de la réalité d’un résultat final. Ces données sont importantes mais pas décisives. Je les utilise surtout dans la préparation des matches pour analyser l’adversaire. D’où proviennent leurs tirs ? De l’intérieur de la surface ? De l’extérieur ? L’expected goal est le premier critère qui est né du traitement des données. On n’est plus sur des simples chiffres bruts, mais il y a un traitement derrière. D’autres vont suivre pour évaluer la qualité des joueurs.

Un match de football peut-il se lire uniquement à travers les datas ?

Je crois qu’il n’y a pas de solutions miracles. Des clubs comme Brentford ou d’autres au Danemark se sont construits uniquement sur les datas avec plus ou moins de succès. Le problème auquel font face les clubs de football c’est qu’il y a énormément de données qui sortent de partout mais qu’il n’y a que peu de personnels qualifiés pour les traiter correctement. On voit des datas à tout va qui sont parfois dénuées de sens et dénuées de réalité statistiques. J’ai vu dernièrement le chiffre suivant : En Premier League il y a 3,58% de conversions de corner contre 3,08% en Ligue 1 Française et 3,78% en Suisse. Est-ce que cela signifie que l’on tire les mieux les corners en Suisse ? Ou alors que les défenses helvétiques défendent moins bien ? Si tu ne fais pas de traitements de stats derrière, tu ne peux pas savoir que 3,78% ce n’est pas forcément mieux que 3,08% : ça dépend du nombre, de la quantité de l’échantillon, de la distribution des données. On ne peut pas tirer de conclusions sur des simples chiffres qui sortent comme ça.

Comment analyses-tu la première partie de saison du SFC ?

Au niveau individuel, nos joueurs défensifs sont souvent dans le haut du tableau sur beaucoup de critères concernant ce domaine. Au niveau de l’attaque, nos attaquants ont des expected goals très corrects juste en-dessous des attaquants des YB et Saint-Gall. On a la chance d’avoir une diversité d’attaquants qui peuvent marquer avec des expected goals autour de 3-4 sur le premier tour. Nsame à YB, lui, doit être à un peu plus de 11 expected goals pour 15 buts inscrits. Au milieu de terrain nous ne possédons pas encore beaucoup de critères d’évaluations si ce n’est les key passes. Au niveau collectif, on est la 2e équipe à récupérer le plus de ballons dans la moitié de terrain adverse. Nos deux premiers buts en 2020, contre le Vitesse, proviennent d’ailleurs de ces schémas. On a des chiffres qui sont rassurants et qui montrent la qualité de notre collectif.

Comment penses-tu que l’équipe va se comporter dans cette deuxième partie de saison ?

On va commencer avec deux matches très importants qu’il faudra bien négocier à Neuchâtel et contre Thoune à la maison. De manière générale, je pense qu’Alain Geiger, notre coach, a trouvé des principes qui correspondent bien à l’équipe et au football moderne. Si on regarde par exemple le temps de possession moyen avant d’aller marquer un but, Bâle est à 40 secondes et Servette est autour des 17 secondes, comme Saint-Gall. On voit que Saint-Gall performe bien au niveau national mais que Bâle est la meilleure équipe helvétique au niveau international. Il y a surement un équilibre à trouver entre garder le ballon et à aller vite vers l’avant.